M.B
:
En
octobre 1999 lors d’une commande groupée de 26 tortues
chez un grossiste animalier, se trouvait 12 Cuora galbinifrons (tortue
boîte d’Asie à front jaune). Elles furent mises
en quarantaine, comme nous avons l’habitude de pratiquer à
chaque arrivage : poids, mesures, vermifugation, et soins de diverses
pathologies pulmonaires). Le quatrième jour de l’arrivage,
une des galbinifrons mise à part pour soin de deux grosses
mycoses cutanées, avait perdu la moitié des écailles
de son plastron. Devant l’étendue des symptômes
et l’incompréhension, j’ai pris quelques photos
numériques, et dans la demi-heure, je les ai envoyé
au Docteur Lionel SCHILLIGER (vétérinaire spécialiste
des reptiles). En attendant sa réponse, j’ai commencé
un traitement d’injection intramusculaire de Baytril 5% à
raison de 6 unités par jour pour cette tortue pesant 315g (=0.2ml/kg).
Puis j’ai enlevé les écailles tombantes pour essuyer
le mucus qui suintait des plaques osseuses, et je lui ai fait prendre
un bain de Imaveral, solution antimycosique à très large
spectre. La réponse le jour même du Docteur L. SCHILLIGER
ne se fit pas attendre :
h
L.S
:
J'ai
bien reçu la photo numérisée de la Cuora galbinifrons.
Cette dermatose me semble très sérieuse.
Elle correspond à la "dermatite de mauvais entretien",
appelée "blister disease" ou encore "maladie
des ampoules", bien connue chez les serpents. Probablement que
les conditions de maintenance étaient mauvaises avant que vous
la récupériez (froid + excès d'hygrométrie).
Cette affection dermatologique paraît très profonde et
touche vraisemblablement le derme et les ostéodermes sous-jacents,
ce qui en assombrit le pronostic.
On observe une rupture partielle de la jonction peau/plastron, avec
une pyodermite profonde, en regard du membre antérieur gauche
et un décollement des écailles du plastron.
Il faut décoller à l'aide d'une pince toutes les écailles
du plastron (même celles qui sont encore partiellement attenantes
au plastron). Vous avez peut-être déjà effectué
ce décollement. C'est très important pour que les soins
locaux soient efficaces.
Comme souvent en médecine herpétologique, le laboratoire
serait ici d'un grand secours pour traiter efficacement, car en théorie,
il faudrait effectuer un examen microbiologique des lésions,
c'est à dire une mise en culture des agents pathogènes
responsables des lésions (bactéries et/ou champignons).
Cet examen permettrait de voir "ce qui pousse" : des bactéries
résistantes au Baytril ? des champignons résistants
à l'Imavéral ? une association de bactéries anaérobies
et de champignons ?
C'est simple à réaliser : il faut frotter
un écouvillon stérile (que vous pouvez vous procurer
dans n'importe quel laboratoire d'analyses de médecine humaine)
sur la lésion la plus significative (sous la patte avant gauche
par exemple), jusqu'à récupérer du matériel
infecté. Ensuite, on donne ce prélèvement au
labo qui met en culture. Demandez également au labo un nécessaire
à prélèvement pour bactéries anaérobies
(se développent en milieu sans oxygène).
Dans l'attente des résultats (environ 3 jours) :
• Continuez le Baytril (0,2 ml/kg dans pattes avant) pendant
au minimum 2 mois (il faut traiter très longtemps lorsque les
lésions sont aussi profondes)
• Donnez lui du FLAGYL suspension buvable à dose antibiotique
(1 ml/kg, 1 fois par jour pendant 15 jours de suite)
• Localement, appliquez du PANOLOG crème dermique (disponible
chez tous les vétérinaires) en placards abondants sur
tous les endroits où il manque des écailles et sur la
plaie infectée de la jonction peau/carapace.
Il
faudrait aussi ne pas la laisser à jeun. Le support nutritionnel
et hydrique est essentiel pour stimuler les défenses immunitaires
de la tortue. Gavez-la à la sonde d'intubation gastrique avec
un aliment pour chiens et chats (HILL'S A/D) que vous trouverez chez
les vétérinaires. Cet aliment devient liquide lorsqu'on
le mélange à la petite cuillère et peut être
injecté à l'aide d'une seringue dans la sonde, à
raison de 10 ml par kg, 1 fois par jour.
Tenez-moi au courant.
M.B :
Au bout de 5 jours de traitement et de gavage la tortue décéda,
sans avoir eu le temps de faire faire des examens. A mon avis, elle
devait incuber cela depuis un bon moment et le fait de perdre des
écailles fut la phase terminale. Bien souvent les tortues sont
entreposées, et transportées dans des conditions lamentables
et une fois arrivées chez le particulier, elles meurent dans
le premier mois, d’où l’importance de pratiquer
une bonne quarantaine.
Il
faut donc faire très attention lors de la période de
quarantaine, à ce genre de pathologie.